Burkina 24 : Présentez-nous votre institut ?
Moumouni Séré (M.S) : L’Universal Institutes 2M (UI2M) est un institut spécialisé en ingénierie dans le domaine des mines, qui a pour vocation de contribuer à former dans le domaine technique des techniciens et des cadres capables de répondre aux défis et aux préoccupations du continent africain.
Aujourd’hui, nous avons des pays africains mis à tort qui ont placé le secteur tertiaire en avant alors qu’il faut quand même un secteur productif qui va être accompagné pour le secteur tertiaire.
D’où la décision d’approcher ces domaines à travers une structure spécialisée dans la formation pratique, car nous voulons quitter un peu le carcan des formations théoriques pour que les pays africains notamment ceux francophones soient spécialistes. Alors l’objectif, c’est de former des praticiens, des gens capables de pouvoir travailler dès la fin de leur formation.
B24 : Quelles ont été les motivations à l’origine de sa création ?
M.S : Je peux dire que la première chose, comme je le disais, j’ai évolué aux Etats-Unis et quand je suis rentré en 2011, je me suis retrouvé dans un pays, un Burkina Faso devenu un pays minier et malheureusement, j’ai vu que les ressources humaines n’ont pas été préparées pour permettre à ce qu’à ce niveau les ressources locales puissent être utilisées de façon professionnelle.
Le constat est que la majeure partie des Burkinabè qui interviennent effectivement dans les mines et les carrières aujourd’hui, sont des gens qui ont été parachutés dans le secteur, c’est-à-dire qui n’ont pas été formés pour travailler dans le domaine des mines.
A cela s’ajoutent les autres domaines techniques. Si vous prenez tous les autres domaines que ça soit le BTP, l’agriculture, l’élevage il faut mettre en place des programmes de formations ; et même l’électronique, l’électricité, la mécanique, ce sont des domaines je pense qui sont très importants si on veut parler d’un développement durable.
Et pour qu’on puisse y arriver, il faut qu’on ait au niveau de la base des gens professionnalisés, qui sont formés professionnellement et qui sont capables de répondre aux différents besoins. Et pourquoi pas être des moteurs pour la création afin de soutenir nos économies durablement. Parce que si tout le monde est au niveau du tertiaire, c’est-à-dire vous avez des comptables, des «marketeurs», bon il va falloir «marketer» et puis compter quelque chose.
Il faut donc qu’on mette à la base, des programmes de formations d’où la mise en place de cet institut qui déjà a pour ambition de former des techniciens, praticiens capables de répondre aux différents besoins dans les domaines tantôt cités.
B24 : Vous êtes dans le domaine de la formation qui regorge beaucoup d’écoles, d’instituts supérieurs. Est-ce que vous entretenez des partenariats, des collaborations, des interactions, des synergies avec d’autres structures burkinabè ou africaines ?
M.S : Oui, puisque de par ma fonction et aussi l’approche participative que je privilégie dans tous mes projets, je travaille effectivement avec beaucoup d’autres structures du Burkina et à l’internationales.
J’ai effectué une mission, dans le cadre des programmes de formations de UI2M, où j’ai rencontré des sommités du monde de la formation et aussi du secteur minier en général. Tout cela dans le souci d’arriver à des programmes de formation qui répondent effectivement aux besoins du secteur minier parce c’est un programme que nous avions mis en place et des programmes de formation qui sont relatifs au secteur des mines et des carrières.
A ce niveau, j’ai parlé d’approche participative, les compagnies minières à travers la chambre des mines ont été déjà briefées au projet et on a voulu avoir aussi leurs inputs. Comme je le disais, il faut essayer de travailler avec une conception un peu anglo-saxonne qui est l’approche marketing.
Si on veut former des produits pour le secteur, il faut d’abord maîtriser les besoins du secteur. Ces besoins vont se transcrire en termes de capacités, de compétences que ce secteur attend des produits qui seront finis, formés.
B24 : On constate que vous travaillez dans un domaine assez innovant, la formation dans le domaine des mines. Quelles perspectives pour accompagner cette innovation ?
M.S : Effectivement ce que vous avez dit est juste. Je suis parti du même constat que vous car en réalité, c’est à contre cœur que les compagnies minières sont obligées pour certains postes de faire appel à des expatriés ; mais elles veulent que ce soit des Burkinabè qui y soient employés, pas seulement par altruisme, mais parce qu’une main d’œuvre locale revient relativement moins cher qu’une main d’œuvre expatriée.
Moins cher pas parce qu’il faut payer des Burkinabè moins cher, mais parce qu’au niveau des expatriés, il y a des charges connexes qui sont liées vraiment à l’expatriation, surtout pour ce qui est de la spécificité du secteur des mines où il y a les billets d’avion qu’il faut acheter pour ceux qui sont expatriés pendant leurs périodes de pause qui sont tout de même des charges considérables.
Ceci pour dire que même au niveau intrinsèque, au niveau des menus rationnels, ils vont vouloir que ça soit des locaux mais malheureusement, si vous n’avez pas les compétences locales qualifiées, c’est difficile ; à moins qu’elles ne les recrutent pour les former, ce qui a été déjà fait avec les premières structures minières qui étaient obligées de récupérer un certains nombres de Burkinabè, de les former et de les employer.
Mais cela ne peut pas se faire à tout moment d’où la nécessité d’un institut de formation. Ce sont des formations qui vont se faire en alternance entre les salles, les laboratoires et aussi sur les sites miniers parce que l’objectif des différents programmes de formation que nous sommes en train de mettre en place, est de former des gens qui sont outillés, et qui soient opérationnels à la fin de leurs formations.
Et nous avons misé pour les premiers programmes de formation, sur des formations très techniques, courtes durées très intensives avec la particularité de les faire en alternance afin de permettre aux formés d’être vraiment opérationnels.
B24 : On peut déjà considérer que c’est un succès d’avoir pu mettre en plus cet institut. Qu’est-ce qui vous a particulièrement inspiré ?
M.S : Succès, je ne dirai pas succès pour le moment. Je pense quand même que c’est une initiative le fait de pouvoir déjà arriver à un état où les programmes de formations sont mis en place et structurés avec beaucoup d’accompagnement du secteur des mines et des carrières notamment à travers le ministère et aussi les entreprises minières car j’ai tantôt parlé des phases pratiques qui se feront sur des sites miniers.
Cela peut déjà être qualifié de succès à mi-parcours en permettant de mettre en place des programmes de formation.
Mais le succès va venir quand effectivement nous allons pouvoir avoir au Burkina Faso, des ressources humaines compétentes capables d’aider le secteur des mines à avoir des répondants à leurs besoins.
Vous avez parlé dans vos questions de domaines pour lesquels, les miniers sont obligés d’employer des expatriés. Effectivement, vous avez par exemple pour ce qui est du boutefeu, à ma connaissance au Burkina, les techniciens, ceux qui sont spécialisé dans les explosifs au niveau des mines, il y a beaucoup de compagnies qui sont obligées aujourd’hui d’externaliser carrément ce service parce que pour le moment au Burkina, on n’a pas de compétence ou du moins très peu de compétence pour pouvoir permettre en tout cas de réaliser le dynamitage.
Les miniers sont obligés de recruter, de prendre des gens qu’ils forment pour différents postes. Ce qui pose également le problème de professionnalisation parce que l’objectif c’est que nous professionnalisons les différents domaines.
Les trois programmes de formation que sont le traitement du minerai, le forage minier et le boutefeu sont des programmes de formation certifiants qui vont permettre à ce que les jeunes qui vont être formés puissent maintenant avoir un document qui montre qu’ils ont été formés pour les différentes spécialités pour lesquelles ils ont été formés et pour que nous aussi au Burkina on puisse s’exporter, parce qu’on sait que généralement pour certains postes c’est des Ghanéens, des Sud Africains, c’est des Australiens et aussi des gens d’autres pays.
Pour le moment, on ne peut pas parce qu’il n’y a pas de formation de ce type qui permettait en tout cas aux postulants d’emplois, c’est-à-dire les chercheurs d’emplois, de pouvoir montrer qu’ils ont été formés. Ace niveau, je crois qu’on pourra répondre à cela.
B24 : Des mots à l’endroit des jeunes Burkinabè, qui voudront entrer en entreprenariat ? Avez-vous des pistes à leur donner ?
B24 : Le secret, il faut être ambitieux. Il faut avoir de l’ambition. Il faut y croire. L’entreprenariat est comme la religion, vous croyez fermement que Dieu existe voilà, vous croyez fermement à votre projet d’entreprise et vous vous donnez tous les moyens pour pouvoir y réussir. Aussi autre chose, il faut être très persévérant car ce n’est pas au premier coup que ça marche forcément mais les meilleurs projets sont ceux qui passent par des séquences qu’on appelle Tries and Failures, c’est-à-dire vous avez des échecs mais vous n’avez pas perdu la foi parce que vous savez que c’est ça que vous voulez faire et je pense que c’est ça pour moi le secret pour pouvoir réussir un projet d’entreprise.
B24 : Un appel à la jeunesse ?
L’Afrique a besoin aujourd’hui des inputs de tout le monde. Ce que je veux dire vous avez vu, j’ai tantôt parlé des différents programmes de formation que nous avions mis en place avec UI2M et ces programmes de formation ont été mis en place au début pour répondre ou contribuer à aider ce pays à avancer.
Tout le monde a fait le constat qu’au niveau du secteur des mines, il y a un fort besoin en termes de ressources humaines qualifiées donc pour ne pas attendre l’Etat pour tout.
Il faut que les citoyens eux-mêmes participent à la construction de la nation commune. Je souhaiterai que les Africains commencent à prendre leur destin en main et qu’on arrête de mettre la balle dans l’autre camp en général – ce n’est pas moi – c’est celui qui est au dessus, c’est-à-dire le gouvernement.
Et si c’est dans une famille, généralement les gens vont dire que voilà c’est le père de famille qui n’a pas fait cela, moi en tant que fils je ne peux pas faire ça.
Il faut que les gens prennent l’initiative de prendre leur destin en main, et savoir que c’est quand ils diront qu’ils sont maîtres de leur propre destin à tous les niveaux qu’ils vont pouvoir arriver à quelque chose et que l’Afrique va pouvoir arriver à quelque chose.
Propos recueillis par Boureima LANKOANDE et Aboubakar KAMAGATE (Stagiaire)Burkina24